L’AOÛT MARSEILLAIS (2)

Billet de blog
le 15 Août 2025
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Poursuivons la réflexions et les observations entreprises la semaine dernière sur ce qu’est le mois d’août à Marseille, sur l’économie politique particulière de la ville en août.

Un autre regard sur la ville

Au mois d’août, celles et ceux qui vivent à Marseille voient leur ville autrement, ils ont un autre regard sur la ville, d’abord parce qu’elle est un peu moins peuplée que d’habitude, ensuite par celles et ceux qui y restent n’y ont pas tout à fait les mêmes habitudes : on ne s’y déplace pas de la même façon, on n’a pas la même façon de marcher, sans doute à cause de la chaleur, on marche un peu moins vite, et, comme il y a, sans doute, moins de voitures, on y retrouve une rue qui nous avait été confisquée, voilée, pour ainsi dire, par ces voitures qui y passent sans la regarder, qui y stationnent n’importe comment, en oubliant que des piétons vivent dans l’espace urbain. Ce nouveau regard sur la ville est à la fois celui des touristes et des voyageurs qui portent sur elle un regard étranger, distancié, et celui des habitants qui voient leur ville autrement. Par cette sorte de distance que les habitantes et les habitants ont vis-à-vis de la ville, ils finissent par avoir un regard de visiteurs sur leur propre ville, ils se mettent à la découvrir autrement, comme s’ils étaient en voyage dans leur propre ville. Notre regard d’août sur la ville nous fait donner un autre sens à l’urbanité : finalement, que nous le voulions ou non, nous partageons le regard sur la ville avec celui des touristes.

 

Une rupture dans l’ordinaire du temps urbain

D’abord, il est plus difficile de travailler dans la ville parce que la chaleur rend plus difficile l’exercice des métiers : être en voyage dans sa ville empêche de s’y livrer facilement aux activités ordinaires qui y sont les nôtres. Sans doute aussi le sommeil est plus difficile en été, à Marseille, parce qu’il y fait plus chaud et parce que nos activités dans la ville ne nous y donnant pas la même relation au besoin de dormir. Mais cette rupture avec le temps ordinaire de la ville ne nous concerne pas seulement comme habitants, elle concerne aussi les événements, les activités politiques et institutionnelles, qui ne s’y déroulent pas comme d’habitude. D’abord, les événements sont plus rares l’été que pendant le reste de l’année, en raison de cette sorte de léthargie qui a un peu tendance à frapper les acteurs institutionnels et les responsables politiques. Ensuite, le calendrier politique n’est pas le même que pendant le reste de l’année : il n’y a pas de réunions, ni meetings des partis, il n’y a presque jamais de défilés ni de manifestations : ce ne sont pas seulement les acteurs politiques et les décideurs qui s’endorment l’été, ce sont aussi les militants et les acteurs ordinaires de la vie politique. Tout cela montre que le temps de la ville connaît une fracture, une rupture, pendant l’été. 

 

Marseille et son économie d’été

Toute une économie de la ville se met en œuvre l’été. Des commerces et des magasins ferment pendant la période des congés : ce sont des rues entières qui semblent dormir en raison de ces boutiques fermées. À l’économie ordinaire de la ville succède, au mois d’août, une économie plus culturelle, celle des musées, des lieux d’expositions, des installations touristiques et des hôtels ou des modes divers d’hébergement de vacances. Mais cette économie d’été consiste aussi dans des façons nouvelles de s’alimenter, de faire la cuisine, de préparer des repas, avec les produits ordinaires de cette saison estivale qui ne sont pas ceux du reste de l’année. L’économie estivale de Marseille est aussi une économie d’autres modes de transports et de déplacements. Mais cette économie d’été de la ville est aussi importante en ce qu’elle nous pousse à avoir un regard différent sur l’économie ordinaire de la ville, à découvrir de nouvelles façons de vivre l’économie urbaine, en découvrant de nouveaux marchés, de nouveaux modes d’échange et de consommation, mais aussi en nouant des partenariats avec des acteurs auxquels nous ne sommes pas habitués. L’économie d’été de la ville entraîne l’invention d’une autre économie qui pourra s’exercer aussi dans le temps ordinaire qui viendra après l’été.

 

Un temps d’attente

C’est aussi pourquoi l’été est un temps d’attente, pour la ville. Cette parenthèse dans l’ordinaire du temps urbain engage aussi une attente : nous attendons le temps de la ville à venir après la fin de l’été. Ce temps d’attente dans la vie de la ville est à la fois un temps d’espoir, au cours duquel nous formulons des souhaits nouveaux pour la ville, et un temps d’inquiétude car nous ne savons pas, finalement, en quoi consistera le nouveau temps ordinaire à venir après l’été. Mais ce temps d’attente est aussi, du même coup, un temps au cours duquel nous nous donnons des résolutions pour le temps à venir, il s’agit d’un temps de projets. Mais, encore une fois, ce temps de projets l’est à la fois pour les habitantes et les habitants singuliers de la ville et pour les institutions, les organisations, les pouvoirs qui entreprennent au cours de l’été de formuler leurs projets pour l’année politique à venir, surtout, bien sûr, cette année, en raison des élections municipales et de l’installation de cette nouvelle municipalité que nous attendons toutes et tous autant que les responsables et les pouvoirs. Enfin, ce temps d’attente, ce temps au cours duquel nous disons tous, comme Lamartine : « Oh temps, suspends ton vol ! », est le temps des voyages, de la migrante : l’été est le temps où la mer nous amène des visiteurs, mais aussi de nouvelles habitantes et de nouveaux habitants dont les pays sont en crise et qui viennent trouver dans notre ville un refuge, une solidarité que nous devons leur donner. Peut-être, l’été, sommes-nous plus disponibles pour cela qu’à d’autres moments de l’année. Ce temps de découverte du monde et de l’étranger est ainsi également le temps d’une découverte de l’autre. En lisant la ville avec un autre regard que notre regard habituel, nous nous rendons disponibles pour le regard des autres sur elle.

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