300 hommes, femmes et enfants vont être expulsés en plein hiver
300 hommes, femmes et enfants vont être expulsés en plein hiver
Depuis le tramway qui passe sur l'avenue toute proche ou le train qui part vers Aubagne, les voyageurs peuvent voir la vie quotidienne d'un bidonville habité par deux cents personnes dont une soixante d'enfants. Bientôt ce spectacle emblématique de la misère en Europe va disparaître. En effet, ce camp situé sur un terrain appartenant à la communauté urbaine, près de Saint-Jean-du-Désert sera évacué avec le concours de la force publique, le 17 décembre prochain. Ainsi en a décidé le tribunal, saisi par le propriétaire. Il en va de même pour un second camp de ressortissants roumains, installés sur une bretelle de la rocade L2, au niveau de l'échangeur de Frais-Vallon. Leur expulsion est prévue pour le 3 décembre.
Réunies sur place pour une conférence de presse, ce mercredi midi, les associations de lutte contre le mal logement et pour les droits de l'Homme s'insurgent "contre ces deux expulsions de trop" qui interviennent en pleine trêve hivernale. "D'un côté, le gouvernement a la volonté d'allonger la trêve jusqu'au 30 mars, de l'autre, on ne prend aucune précaution pour expulser des personnes vulnérables, constate Fathi Bouaroua, directeur régional de la fondation Abbé Pierre. Il est urgent que les pouvoirs publics arrêtent ces expulsions qui ne répondent à aucune situation d'urgence. Le terrain appartient à la Communauté urbaine. Quand à ceux de Frais-Vallon, ils sont installés sur une rocade en chantier depuis 30 ans. Même si les travaux doivent reprendre. Il n'y a pas d'urgence".
Mais le site de la Parette fait l'objet d'une certaine attention politique. D'abord, parce qu'un certain nombre de riverains s'en plaignent et ont alerté leur élus. Et ensuite, parce que si un grand nombre de familles sont là depuis plusieurs mois, elles ont été rejointes par celles qui ont été expulsées du grand camp de la Capelette, évacué en octobre dernier. Le premier adjoint au maire, Roland Blum s'en est ému dans une lettre au préfet il y a quelques jours. Ce lundi, les associations de solidarité avec les roms ont été reçues en préfecture pour faire un point sur la situation. "On nous a dit que les expulsions auraient lieu car il s'agit d'une question d'ordre public, raconte Jean-Paul Kopp de Rencontres tsiganes. On les expulse pour les protéger". Plusieurs militants associatifs font part de jets de cocktails molotov contre la partie du camp situé de l'autre côté de l'avenue.
Ces derniers regrettent que ces raisons de sécurité aient pour conséquence une expulsion qui provoquera dans l'errance des familles avec enfants. Or, le terrain est suffisamment grand pour accueillir d'autres familles. "On peut y installer des bungalows, amener de l'eau, des toilettes, constate Bernard Eynaud, président de la LDH13. Cela permettrait une scolarisation des enfants". Déjà une vingtaine d'entre eux fréquentent les écoles du quartier.
Si les militants associatifs sont très présents sur le site de la Parette, ils sont quasiment absents de celui de Frais-Vallon. Pourtant l'expulsion de la centaine de ressortissants qui y vivent est prévue pour le 3 décembre prochain. Sur place, les hommes et les femmes qui vaquent à leurs occupations ne semblent pas connaître de date. Certes, ils parlent d'une expulsion mais il est difficile d'en savoir plus sur leur niveau de connaissance tant leur français est cahotique. Ils savent tout de même qu'ils logent sur une "autobahn", l'autoroute en allemand. Début octobre, l'Etat a enfin signé un partenariat public privé avec Bouygues. Une société, SRL2, a été créée dans la foulée. Le chantier de la partie Est est prévu pour démarrer dans les prochains mois. Les Roumains ne sont plus les bienvenus.
Les deux immenses parois anti-bruit qui flanquent la bretelle donne à l'installation précaire un petit air de village Far west coincé dans un canyon. Le village ne compte qu'une rue centrale où des enfants en bas âge jouent dans la terre détrempée. La quinzaine de baraques offre le triste théâtre de la misère extrême. Les hommes et femmes qui s'affairent devant leurs logis regardent arriver les intrus avec un mélange de curiosité et de défiance.
"35, la nuit dernière, par trois voitures"
Un dialogue s'installe tant bien que mal, entre langues romanes. Un jeune homme bourru répète plusieurs fois le même message : "En Roumanie, il n'y a pas de travail. Nous venons ici pour gagner de l'argent pas pour s'installer. Ensuite, on retournera en Roumanie". Il se prénomme Florin Fekete. Il est suivi de près par une petite Roberta, haute comme trois pommes. Lui travaille sur des chantiers du bâtiment "peintures, plâtre" et autres travaux au noir. "Les autres travaillent dans les poubelles".
Ces derniers jours, le camp connaît de nouvelles arrivées. "35, la nuit dernière, par trois voitures", affirme Florin. Les nouveaux arrivants sont logés dans les baraques de leurs compatriotes en attendant de trouver un autre lieu, plus permanent. Tandis qu'on remonte la pente de la bretelle, d'autres véhicules, immatriculés en France arrivent au camp. Là encore, on jette des regards peu amènes aux intrus. Au fond, des bruits de marteau rappellent l'activité principale des présents : la récupération de métaux. Dans leur baraque au plafond couvert de miroirs, deux frères tapent sur un électro-aimant pour en retirer le cuivre. Une ampoule allumée pend. Ils tirent l'électricité en détournant l'éclairage public, comme souvent.
Dans la baraque d'en face, une jeune femme blonde sert un café aux visiteurs. Elle est enceinte de sept mois. Son jeune compagnon la couve des yeux. Elle se dit bien suivie "à l'hôpital de la Conception" où elle a obtenu une carte de soin. Son enfant naîtra probablement en France même si d'autres résidents interrogés disent vouloir quitter le camp pour Noël. "C'est bien ici", glisse la jeune femme. Par là, elle désigne plus le pays que le lieu. Sur cette bretelle de la L2, pas d'eau courante, pas de toilettes. Pour la douche, son ami fait signe de tirer sur la bâche qui recouvre le toit pour en vider le trop-plein. Tout le monde rigole mais la pluie reprend et le coeur n'y est pas vraiment. Dans le camp, une camionnette arrive, à l'arrière des gros sacs bleus. De nouveaux venus? Bienvenus dans l'errance.
Commentaires
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Quelle honte d’expulser ces pauvres gens alors que l’hiver est à nos porte. Tous les élus seraient bien inspirés de prendre exemple sur le maire de Gardanne (je tiens à préciser que je ne suis ni communiste, ni de sa famille)qui ne fait que respecter la loi !!!
Il serait temps que l’Europe qui nous étouffe se préoccupe des humains qui la composent au lieu de ne s’intéresser qu’au “+” qui accompagne ses notes ! Je ne dis pas qu’il faut accueillir toute la misère du monde (j’entends déjà les individualistes défoncer les portes ouvertes), je dis juste :
1/ Que les maires devraient respecter la loi et notamment les obligations issues du schéma d’accueil des gens du voyage (tiens ! si on les expulsait quand il ne respecte pas la loi !);
2/ Que l’Europe devrait enfin (!) se saisir de la question des roms pour qu’une solution DIGNE, lisible et audible par tous soit arrêtée et entendue;
3/ Qu’on ne met pas des enfants dans la rue, c’est indigne, inhumain et date d’un autre temps.
Mais, c’est sûr, ce ne sont que des roms… Qui s’en soucie véritablement tant qu’ils ne “salissent” pas notre paysage !
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Il ne manque que la volonté municipale d’agir dans le sens de la loi. Des fonds européens sont disponibles pour organiser l’accueil des gens du voyage….voir Gardanne, Montreuil….c’est juste la volonté politique qui manque !
Il y a consensus, voire osmose entre le PS Valls et Masse, et l’Ump pour réagir en expulsant “ces gens là ne s’intègrent pas ”
Je comprends le désarroi des riverains de ces camps de fortune, mais ils devraient se retourner contre nos édiles municipales et nationales plutôt que contre les habitants de ces bidonvilles.
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On vit une époque formidable.
Rosa l’épine, c’est quoi une solution Digne, lisible et audible, en dehors de la formule tout faite qui ne veut rien dire.
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S’intégrer, s’intégrer. Si c’est pour s’intégrer à la marseillaise, je comprends qu’ils n’en aient pas envie….La ville MCMG par excellence : Mon Cul Ma Gueule en premier.
Et s’intégrer au sens large pour consommer et rester chez soi devant sa TV, je comprends que ce modèle là ne donne pas envie, vu qu’il conduit à la débilité anticipée et au rejet de l’autre.
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Pourquoi le choix de parler de “ressortissants roumains”, ce qu’ils sont, mais qui n’est pas le noeud de la question ici, plutôt que de Roms ?
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et le bidonville qui s’est formé à Plombières, on le laisse tel quel ? les habitants autour n’en peuvent plus
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@PC Un bel exemple du caractère calamiteux de la décentralisation qui conduit aux “affaires” des gens médiocres Le fric il y en a à Marseille pour faire des conneries :paver le Vieux Port ,l’ombriére,le tramway qui fait double emploi avec le métro,le tunnel du Prao fort peu utilisé eu égard au coût du péage etc Il existe suffisamment de friches industrielles à Marseille pour établir des camps de passage pour les Roms , il faut également établir des liaisons fortes avec les notables (il en existe toujours) de ces camps pour leur transmettre des codes de bonne conduite ex :fouiller les poubelles o k mais ne pas laisser de saletés après la fouille! etc
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L’hiver rigoureux qui se profile fragilisa encore un peu plus la santé des femmes et enfants de ces personnes précaires apparemment des ressortissants roumains. Comment rester insensible à cette déshérence ? Déclarons-leur la trêve, un hivernage humain et social, pour qu’elle puisse passer « tranquillement » la période de grands froids, dans leurs habitations précaires et de « fortune » dressées de bric et de broc dans une zone de no man’s land qui ne gênent personne.
Ensuite,après le temps des tisons, les pouvoirs publics prendront enfin, nous l’appelons tous de nos vœux, les dispositions politico-administratives pour y apporter une réponse adaptée et pérenne que se doit la cinquième puissance mondiale… Le temps de la modernité s’est bien arrêté à Marseille….
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Il y a quand même 53% (en ce moment) de personnes qui se réjouissent qu’on détruise un bidonville de 300 personnes en plein hiver sans aucune autre solution que l’errance dans les rues.
La classe… c’est dans ces moments qu’on se sent fier d’être français !
Je rappelle juste que dans notre devise il y a “fraternité”, il serait de bon ton que tous les fervents illuminés de notre identité nationale s’en souviennent un peu mais surtout essayent de l’appliquer de temps en temps.
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En France il y a entre 10 et 11 % de chômeurs et 7,5% en Roumanie (septembre 2013)…chercher l’erreur
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En France il y a entre 10 et 11 % de chômeurs et 7,5% en Roumanie (septembre 2013)…chercher l’erreur
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A@Onyxa: Les usines de la mégalopole européenne délocalisent de plus en plus leurs usines vers l’Europe de l’Est et surtout en Roumanie. Renault avec DACIA par exemple, alors que la plupart des entreprises roumaines s’occupent avec le pétrole, le gaz, les ressources naturelles, l’or , le textile, etc.. Alors chercher l’erreur sur les vrais raisons des déplacements de ces populations contraintes à réfugier temporairement en France et trier nos poubelles surabondantes!
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Enfin, Esther et Benoît, sous la L2, il devrait y avoir l’eau courante, et des toilettes…!
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