13 habitat met en avant un message raciste pour obtenir le licenciement d’un syndicaliste
Ce mardi, un rassemblement était organisé en soutien à un cadre du bailleur social, visé par des propos racistes. Les propos incriminés sont attribués à plusieurs syndicalistes de Sud et issus d'une boucle de messagerie privée. La procédure de licenciement lancée contre l'un des auteurs a été cassée par l'inspection du travail, mais la direction n'entend pas en rester là.
Eddy Guiriaboy prend la parole devant les représentants du conseil d'administration de 13 habitat. Photo : B.G.
Il y a foule sur l’étroit parvis au pied du siège de 13 habitat, à Saint-Just (13e). Plusieurs centaines de salariés de l’office HLM sont venus des agences de tout le département, en soutien, disent-ils, à Eddy Guiriaboye. Ce responsable d’agence de Château-Gombert a été visé par des propos à connotation raciste, tenus par plusieurs militants du syndicat Sud, sur une boucle de messagerie privée, rendue publique par la direction.
“Avec boy dans son nom, c’est bien l’esclave de son maître qui voulait être son maître“, peut-on lire, en référence implicite à l’ascendance guadeloupéenne de l’intéressé. En réponse à ce message d’un délégué syndical, un responsable du même syndicat poursuit : “C’est le négrier ce chien”. Les propos sont consignés dans une plainte déposée le 24 novembre par Eddy Guiriaboye, document que Marsactu a pu consulter.
La présidente et le conseil d’administration en soutien
Le cadre de 13 habitat ciblé par les injures revendique être à l’origine de ce rassemblement, via un e-mail qu’il a envoyé à toutes les équipes le 9 janvier. Mais dire que la direction ne l’encourage pas serait mentir.
Ce matin, Eddy Guiriaboye scrute le ciel avant de glisser à un autre cadre, “prévient la présidente, il commence à pleuvoir”. La présidente de 13 habitat, la conseillère départementale DVD Nora Preziosi, arrive alors avec plusieurs élus de son conseil d’administration. Le président du Conseil représentatif des associations noires (CRAN), le Marseillais Nassurdine Haidari, est également présent pour témoigner de son soutien. Il souhaite que son association soit partie civile si une enquête est ouverte. Le directeur général de l’office, Jean-Luc Ervoes est au premier rang, même s’il s’abstient de prendre la parole en public.
Je pensais qu’à 13 habitat, nous avions dépassé ce genre de comportements
Eddy Guiriaboye, salarié du bailleur, visé par les propos
Eddy Guiriaboye est ému quand il prend la parole au micro. “Je vous remercie d’être présents aujourd’hui pour dénoncer le racisme sous toutes ses formes. Quand on n’a pas été touché dans son cœur, dans sa peau, par des propos abjects, on pense que cela n’arrive qu’aux autres.” D’un geste de la main, il salue l’assistance : “Regardez-vous, c’est la diversité de Marseille que j’ai devant moi. Et je pensais qu’à 13 habitat, nous avions dépassé ce genre de comportements“. En conclusion, il cite Léopold Sédar Senghor et “ces racistes qui se sont trompés de colère“.
D’autres orateurs convoqueront Angela Davis, Martin Luther King en appui des discours. “Ce matin, nous sommes tous Eddy, lance Nora Preziosi, alors qu’elle prend la parole à son tour. Celui qui utilise ces propos n’a pas sa place à 13 habitat. Je suis présidente jusqu’en 2028 ; moi, présidente, le racisme n’aura jamais droit de cité ici.”
Une procédure de licenciement cassée par l’inspection du travail
Si les discours sont à ce point véhéments, c’est que leur contexte est loin d’être anodin. Le salarié dont la présidente de l’office souhaite le départ, – “la porte est grande ouverte” – est un délégué syndical et, à ce titre, protégé par le droit du travail. En octobre dernier, il a fait l’objet d’une procédure de licenciement pour faute grave.
Une décision cassée le 20 décembre par l’inspection du travail, systématiquement consultée en cas de licenciement d’un représentant du personnel. La direction du bailleur social reconnaît que l’administration a rejeté en bloc les motifs mis en avant pour justifier son éviction. Dans le lot figurent les propos consignés sur la messagerie privée, l’inspection du travail estimant qu’il s’agissait là d’échanges à caractère syndical.
Je ne vois pas de propos racistes là-dedans. J’entends un qualificatif d’esclavagiste pour parler d’un manager qui fait beaucoup trop de zèle.
Jean-Daniel Pognici, délégué national de Sud logement social
S’il se refuse à tout commentaire, le délégué syndical Sud campe, selon nos informations, sur cette position. Et nie tout caractère raciste aux propos allégués. Joint par Marsactu, le délégué national de Sud logement social, Jean-Daniel Pognici, minimise également la portée raciste des propos : “Je ne vois pas de propos racistes là-dedans. J’entends un qualificatif d’esclavagiste pour parler d’un manager qui fait beaucoup trop de zèle. L’utilisation de boy est un jeu de mot mal exprimé : la moitié de ses équipes sont des noirs et des arabes, des choses comme ça. Nous nous parlons en réunion régulièrement, et il aurait pu tenir des propos racistes en privé, ça n’est jamais arrivé“.
Dans un courrier à la direction que nous avons pu consulter, le délégué national de la branche logement social s’inquiète de surcroît de l’impact potentiel de la situation sur le délégué syndical : “Les débordements dans les réseaux sociaux ou en interne, via les messageries professionnelles, laissent à penser que vous ne faites rien pour régler ces problèmes qui peuvent avoir de graves conséquences pour les intéressés.”
Fuite d’une messagerie privée
Les copies d’écran de la conversation ont d’abord fuité via un des membres de la boucle qui a “alerté” la direction de la teneur des échanges. “À partir de ce moment-là, nous avons fait constater par huissier l’intégralité des messages, explique-t-on à la direction. L’huissier de justice a tracé chacune des citations en les reliant aux titulaires des lignes professionnelles et personnelles”. Pour l’employeur, l’usage du matériel de l’entreprise est une circonstance aggravante. Une position là encore balayée par l’inspection du travail.
Mais les reproches à l’employé ne s’arrêtent pas là. Au-delà des propos incriminés, la direction a posé cinq “griefs” de nature très diverses qui nourrissent la procédure de licenciement. Ces griefs illustrent des relations sociales à couteau tiré avec les représentants du syndicat minoritaire, sur la longue durée. Le 24 octobre, dans la foulée de l’entretien préalable à licenciement, une réunion du comité social et économique (CSE), l’instance paritaire de l’organisme, devait entériner par un vote à bulletin secret la procédure de licenciement. En plus des propos issus de la boucle privée, la direction ajoute les conclusions d’un rapport d’expertise que nous n’avons pas pu consulter.
Appel au ministère du Travail
Selon le procès-verbal du CSE, ce rapport établirait “une répétition d’agissements hostiles constitutifs de violence au travail et de harcèlement“, dénoncée par plusieurs responsables territoriaux. Différents passages de la boucle de messagerie privée sont également exposés, manifestement hostiles à la présidente, au directeur général ou appelant les agents à poser des arrêts de travail fictif. On y trouve même la “divulgation d’informations confidentielles” à la presse (lire la boîte noire).
In fine, le CSE, où le syndicat Force ouvrière est le plus représenté, se prononce à la majorité pour la mesure de licenciement du salarié protégé. Une décision qui n’aura duré que quelques semaines, le temps que l’inspection du travail passe au crible la procédure. Dans la foulée de son refus du licenciement, le délégué syndical a été réintégré à son poste. La direction entend aujourd’hui poursuivre la procédure en saisissant le ministère du Travail.
Élections syndicales imminentes
Si la procédure de licenciement promet donc de se prolonger durant de longs mois, la manifestation du jour correspond à une actualité plus immédiate que les syndicalistes incriminés ne manquent pas de souligner : ce jeudi, les salariés de 13 habitat sont appelés à désigner leurs représentants syndicaux dans le collège des agents de maîtrise. Même si Eddy Guiriaboye plaide la pure coïncidence, la proximité des élections a été plusieurs fois rappelée par les intervenants, au micro ou hors micro.
Dans le courrier adressé à la direction de 13 Habitat, le secrétaire national de Sud logement social estime que le bailleur public met la pression sur un représentant à deux jours d’élections syndicales partielles à venir et se réserve le droit d’une action en justice : “Si nous estimons que les agissements évoqués ci-dessus ont eu un impact négatif sur le vote, nous irons dénoncer le bon déroulement de la campagne électorale auprès du tribunal compétent”.
Lors du rassemblement, l’un des orateurs, adjoint d’Eddy Guiriaboye au sein de l’instance territoriale où il travaille, exhorte la foule à “ne pas mettre de bulletin qui porte le nom de ce syndicat dans l’urne”. À ces mots, le directeur général, Jean-Luc Ervoes ne peut réprimer un sourire. Il minimise quand on l’interroge sur sa réaction : “Cela n’a rien à voir avec les propos. C’est un tic que j’ai”.
Si Marsactu est aussi précautionneux et fiable que d’habitude, cet article montre qu’il y a eu clairement du racisme.
(Remarque : le mal est profond, quand on voit le nombre d’anciens syndicalistes passés à l’ultradroite.)
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Oui mais Marsactu laisse sous entendre qu’on se sert de ça pour virer un syndicat qui dérange et qui sait des choses sur la direction et de ce qu’il se passe au sein de ce bailleur et depuis l’élection de madame preziosi, car il s’agissait d’une messagerie privée… Quoi de mieux que de saisir de ce prétexte pour continuer à diviser pour mieux régner? Sinon, je pense qu’on aurait jamais entendu parler de cette histoire de racisme qui a mon avis n’est pas la première chez ce bailleur.
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votre conclusion est rapide et précipitée. L’article de Marsactu est prudent. Le racisme dans cette affaire n’est pas avéré. Par contre, il semble bien exploité par la direction pour mener sa chasse aux sorcières contre les syndicalistes indésirables.
13 habitat pourrait être un champs d’investigations passionnant pour Marsactu…..
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