Pointue !, 70e numéro
Mardi, tandis que le monde occidental n'avait d'yeux que pour les États-Unis, Marseille se souvenait. Voilà six ans, deux immeubles de la rue d'Aubagne s'effondraient, causant la mort de huit personnes. Le drame, que Marsactu a abondamment documenté dès les premières heures et auquel la rédaction consacre un grand récit exceptionnel, est évidemment à la une de ce 70e numéro de Pointue. |
D'habitat indigne, il en sera aussi question avec les habitants d'un hôtel taudis évacués cette semaine, ainsi qu'avec notre échappée du week-end consacrée à Sharon Tulloch, "déracinée" de son logement quand la vague de périls a frappé Marseille. Et pour se changer les idées, on embarque pour Dubaï, sur la piste de Marseillais qui n'ont quant à eux aucun problème de logement, bien au contraire. |
Pointue, saison 3, épisode 9, allons-y ! |
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🥊 Ça se dispute. Ce mercredi, le tribunal administratif de Marseille a dû arbitrer une embrouille très politique. Le conseiller municipal d’opposition (LR) d’Istres, Robin Prétot, attaque le maire de sa commune, François Bernardini (sans étiquette). La raison ? L’intéressé refuse de lui louer la salle municipale pour une réunion de quartier au motif qu’elle serait “politique”. La décision du tribunal, rendue ce jeudi, donne finalement raison au maire : le règlement intérieur de la salle spécifie bien que les réunions à caractère politique sont proscrites, en dehors des périodes électorales. Pas de quoi arrêter Robin Prétot, qui conteste la validité même de ce règlement intérieur qu’il dit n’avoir jamais vu auparavant. “C’est quand même opportun que ce ne soit que pour cette salle”, avance-t-il. L’élu vise donc un recours au Conseil d'État, mais le timing risque d’être serré : la réunion doit avoir lieu ce samedi. En attendant, il ne mâche pas ses mots : “On se croirait en Russie !” Pour ce qui est de la mairie, elle n’a pas donné suite à nos sollicitations. |
🥗 Ça mélange. Ce vendredi 8 novembre, le collectif de droite et du centre Une génération pour Marseille, cofondé par Romain Simmarano, le directeur de cabinet de Renaud Muselier, président (Renaissance) de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, organise un débat intitulé "Marseille en grand, et si on en parlait ?". Présents notamment, les ex-députés Renaissance Lionel Royer-Perreaut et Sabrina Agresti-Roubache (également ex-secrétaire d’État en charge de ce plan), Christophe Pierrel, ex-proche de Benoît Payan, ou Catherine Pila, vice-présidente de la métropole et présidente Les Républicains de la RTM. Plus que le fond — dont on pressent qu’il aura plus vocation à casser du sucre sur l’action municipale qu’à pointer les défaillances de l’État ou de la métropole — c’est le lieu retenu qui interroge : l’Épopée. Le cofondateur de ce "village d’innovation éducative", comme il se définit, est Laurent Choukroun, par ailleurs créateur de Synergie Family. Son association comme le tiers-lieu qu’il a créé bénéficient des subsides du plan Marseille en grand via les Carrefours de l’entrepreneuriat. En outre, Laurent Choukroun est l’époux de Sandra Blanchard, co-fondatrice d’Une génération pour Marseille et ancienne directrice de Sabrina Agresti-Roubache. Vous avez dit mélange des genres ? |
🏢 Ça pousse. La semaine dernière, Marsactu révélait l’inquiétude de l’autorité environnementale au sujet d’un programme immobilier d’Euroméditerranée, qui doit voir le jour au-dessus d’une nappe phréatique aux eaux hautement polluées. Au détour de son rapport, l’autorité notait aussi l’apparition d’un nouvel immeuble de logements dans ce projet censé accueillir uniquement des bureaux. Une information qui avait visiblement échappé aux radars de la mairie. De son côté, Euroméditerranée jurait que cet immeuble a toujours existé, mais sur un autre “îlot”. Depuis, l’établissement public et l’élu municipal à l’urbanisme Éric Méry ont eu une petite réunion, et ce dernier revient avec une nouvelle version : l’immeuble sera bien construit sur cet îlot, mais dans un futur bien plus lointain. Il fera donc l’objet d’une consultation ultérieure. Cette version sera-t-elle la dernière ? L’avenir le dira. En tout cas, cette histoire a une morale, et c’est Éric Mery qui la fournit : “Euroméditerranée, ce n’est pas comme Marseille, tout est différent, ce n’est pas le même plan local d’urbanisme, pas le même zonage, c’est plus dense, plus haut.” Bref, Euroméditerranée, c’est une autre planète où les buildings poussent comme des petits pains. |
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Devoir de mémoire. C'était un lundi. Le premier jour d'une des pires semaines que Marseille ait connues. Beaucoup de Marseillais se rappellent où ils étaient et ce qu'ils faisaient ce 5 novembre 2018, quand ils ont appris que deux immeubles venaient de s'effondrer rue d'Aubagne, à Noailles, causant la mort de huit personnes et la sidération dans toute la ville. A fortiori les journalistes de Marsactu, emportés "comme dans un long tunnel" par l'évènement et l'onde de choc qui a suivi. Pour commémorer les six ans de cette tragédie, et alors que s'ouvre le procès hors norme qui lui est consacré, notre rédaction livre un grand récit exceptionnel sur le drame et le tournant politique qu'il a constitué pour la ville. Comme le live depuis le tribunal correctionnel de Marseille que nous vous proposons pour suivre les débats en direct, ce document inédit, aussi passionnant que bouleversant, est en accès libre. |
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💬 À votre écoute. Une bonne info, une piste à creuser, une question qui vous turlupine ? Écrivez-nous via pointue@marsactu.fr |
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Cata center. C'est en déployant tout le vocable jargonneux et cafi d'anglicismes de la startup nation que Fabrice Coquio, le président de Digital Realty France, s'est félicité d'avoir fait de Marseille le septième hub mondial du trafic internet. Présent depuis dix ans sur le port, le gestionnaire de données numériques y possède quatre data centers et s'apprête à en construire un cinquième. À l'occasion de cet anniversaire, Fabrice Coquio s'est fendu d'une présentation façon Steve Jobs pour vanter l'ascension fulgurante de l'entreprise, se targuant au passage d'avoir “transfiguré le « look and feel » de l’entrée du port”. Autre motif d'autosatisfaction : l'utilisation d'"un système de refroidissement inédit en Europe, le « river cooling »", emblème affiché de la "démarche bas-carbone" de la multinationale. Mais tout n'est pas rose, et encore moins vert, au pays de Digital Realty : depuis 2021, l'un de ses data centers marseillais rejette des gaz à effet de serre bien au-delà des normes. Ce que la préfecture n'a pas manqué de relever, tout comme Nina Hubinet, qui nous raconte en détails cette histoire de fuite. |
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Univers impitoyable. Officiellement fermé depuis le 6 mai 2024, l'ancien hôtel Univers, niché rue des Feuillants, au cœur de Noailles, affichait pourtant complet jusqu'à mardi, en ce 5 novembre hautement symbolique pour le mal-logement à Marseille. Les occupants des 26 chambres de l'immeuble, un sommet d'indignité sous arrêté de mise en sécurité procédure d’urgence depuis la mi-juin, ont enfin été évacués après que ses planchers ont menacé de s'effondrer. Qualifiés de "squatteurs" par le propriétaire des lieux qui, après leur avoir mis la pression (offre d’une “prime” au départ, intimidations, coupure d’eau…), leur impute le retard dans les travaux, ces demandeurs d'asile ont été pris en charge par la Ville et l'État. S'ils n'ont pu prouver leur bonne foi en présentant un bail ou une quittance, alors qu'ils payaient un loyer, les habitants de l'hôtel taudis vont être relogés par la mairie, qui applique la charte des délogés élaborée suite aux effondrements de la rue d’Aubagne. Vers un avenir encore incertain, mais sans la mort qui rode. |
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"Ils ne feel pas trop guilty ?!?" |
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Déracinée, des ailes. "Dans l’action de déraciner, il y a une violence. Un arrachage. Tu peux déloger une voiture. Mais tu déracines un homme.” Plutôt que délogée, Sharon Tulloch se voit comme une "déracinée". Le 6 mars 2019, cette illustratrice et graphiste franco-britannique, installée à Marseille depuis 37 ans, voit son existence basculer. L'immeuble dans lequel elle vit, à la Belle de Mai, est placé en péril : elle a deux heures "pour évacuer [son] logement et plier toute [sa] vie." Ce jour de mars 2019 est le premier chapitre de son livre Un voyage accidentel, récit mi-poétique mi-réaliste de plus de quatre années de délogement, mêlant phrases sans ponctuation et beaux dessins crayonnés. Alors qu'elle porte désormais son texte sur scène avec une lecture musicale et une pièce de théâtre en cours de création, Coralie Bonnefoy dessine un joli portrait de cette femme à la "présence solaire, au sourire lumineux et au rire irrésistible". |
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Stupéfiant. On connaissait Dubaï comme le paradis fiscal des influenceurs et des ultrariches. À en croire les Décodeurs du Monde, l'émirat serait également une destination de choix pour les... narcotrafiquants marseillais. Leur enquête a permis d'établir qu'au moins 45 appartements d'un complexe de luxe dubaïote "appartiennent ou ont appartenu récemment à des narcotrafiquants français ou à leur entourage, liés pour la plupart à la cité des Oliviers." Parmi les avantages de cet "exil" immobilier, outre le blanchiment, la possibilité de revenus réguliers via la location (comptez 1 000 euros pour une nuit en Airbnb), ainsi qu'un permis de résidence de dix ans valable pour chaque investisseur et sa famille — un sésame d'autant plus précieux que le pays est loin d'être un champion en matière de coopération judiciaire. |
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Pointue, 70e du nom, c'est fini pour aujourd'hui. Rendez-vous jeudi prochain, même heure, même boite mail, pour retrouver la fine fleur de l'investigation locale. |
D'ici là, si vous avez une question, une info à partager ou des idées pour améliorer son "look and feel", écrivez à pointue@marsactu.fr. |
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