Fausses procurations à Marseille : des élus proches de Samia Ghali seront jugés en octobre

Il y avait déjà la droite, il y aura la gauche. Après les fausses procurations du camp de Martine Vassal aux municipales 2020, c’est celui de Samia Ghali qui devra faire face à un procès avant la fin de l’année. Selon les informations de Marsactu, deux élus proches de la maire-adjointe seront jugés par le tribunal judiciaire du 8 au 10 octobre 2024. Il s’agit des conseillers municipaux délégués Roland Cazzola et Marguerite Pasquini. Tout comme Martine Vassal, Samia Ghali n’est pas renvoyée devant le tribunal : si les fausses procurations lui ont bénéficié, la justice n’a pu démontrer qu’elle avait connaissance du procédé mis en place.

Les prévenus sont soupçonnés d’avoir joué un rôle dans l’établissement d’une centaine de procurations bidon ; c’est-à-dire réalisées hors de la présence requise par la loi d’un officier de police judiciaire à même de contrôler l’identité du mandant. Parmi ces mandants, se trouvait notamment l’actuel adjoint au maire chargé des sports Sébastien Jibrayel.

Selon un document judiciaire consulté par Marsactu, les procurations étaient “remplies sur la base de copies de documents d’identité”, signées à la place des mandants et les mandataires étaient désignés “pour le compte des intéressés”. Les procurations étaient ensuite livrées au commissariat, où un policier les validait sans avoir vu leurs signataires. Selon nos informations, les premières ont été réalisées en vue du premier tour des élections municipales du 15 mars 2020, avant que le Covid ne vienne bouleverser le quotidien et pousse la droite comme la gauche à susciter le maximum de procurations en vue du second tour, repoussé en juin. Recueillies dans le cadre de la campagne de Samia Ghali, ces procurations étaient tamponnées au commissariat du 15e arrondissement par son commandant, Henri Gil. Décédé au printemps 2023, ce dernier avait été placé en garde à vue au début de l’enquête.

Les paquets de Pasquini, les patients de Cazzola

Les élus incriminés ont joué chacun un rôle différent. Titulaire de la délégation aux comités d’intérêt de quartier, Marguerite Pasquini a admis en garde à vue avoir déposé par paquets des procurations au commissariat. Elle a au préalable récupéré ces documents à la permanence électorale de la liste de Samia Ghali, Marseille avant tout. “Les personnes qui passaient à la permanence et avaient besoin de faire des procurations, je leur disais de télécharger et d’amener. Moi, je me contentais de prendre les procurations dans une enveloppe et je portais l’enveloppe au commissariat”, assurait-elle en novembre 2021 à Marsactu à l’issue de sa garde à vue.

Parmi ceux qui lui ont fourni des procurations figure Roland Cazzola, délégué à l’espace public à la mairie de Marseille. Cet infirmier libéral a notamment réalisé des procurations auprès de ses patients pour certains très âgés. Cela a conduit les enquêteurs à soupçonner une forme d’abus de faiblesse avant de se ranger à la défense de l’élu : il s’agit de personnes qu’il connaît de longue date et dont la volonté de voter a paru réelle. Mais il n’aurait pas dû les recueillir ainsi, la police pouvant, si l’électeur est dans l’impossibilité de se déplacer, venir récupérer le formulaire à domicile.

Une troisième personne, placée en garde à vue pendant l’enquête, n’a finalement pas été poursuivie à ce stade, nous a indiqué une source proche du dossier après la parution de cet article. La conseillère métropolitaine Ferouz Mokhtari, ex-assistante parlementaire de Samia Ghali, avait été repérée par les enquêteurs pour son rôle de centralisation des pièces d’identité, récoltées durant la campagne. Selon nos informations, certaines correspondaient à des procurations enregistrées. En 2021, l’élue avait expliqué à Marsactu que les cartes ainsi récoltées l’avaient été dans un autre but : “C’était un processus normal pour vérifier les inscriptions sur les listes électorales, pour enregistrer les parrainages en faveur de madame Ghali, pour identifier les délégués de la liste dans les bureaux de vote ou pour remplir les formulaires de candidature. Ensuite, on envoyait des SMS pour relancer les gens le jour de l’élection ou encore pour les meetings”.

Casse-tête juridique et politique

Les prévenus répondront précisément de faux dans un document d’administratif et usage de faux, ainsi que de manœuvres frauduleuses ayant pour but d’enfreindre des dispositions du Code électoral. Pour la réalisation de ces faux, la peine maximale encourue est de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende potentiellement assortie d’une peine complémentaire d’inéligibilité. Dans ce dossier, la question de la possibilité d’un plaider coupable reste en suspens depuis que, concernant les procurations de la droite, le vice-président du département Yves Moraine a vu le sien suspendu par une épineuse question juridique.

Outre la suite pénale, ce renvoi en correctionnelle pourrait aussi avoir des conséquences politiques. Lors du premier placement en garde à vue de ces trois élus à l’été 2020, Michèle Rubirola, alors maire, avait évoqué la mise en examen comme “ligne rouge”. Avec ce procès annoncé, son successeur Benoît Payan portera-t-il le même regard sur leur maintien en poste ? La question s’annonce délicate, car le groupe de Samia Ghali, neuf élus, est un composant indispensable de sa majorité en conseil municipal.

Ajout le 4/06/24 à 19 h 20 : Ferouz Mokhtari ne fait pas partie des personnes convoquées ce mardi.

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