Soupçons d’emploi fictif à l’AP-HM : l’élu LR Daniel Sperling renvoyé en correctionnelle

Enquête
le 17 Fév 2022
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L'élu est soupçonné d'avoir occupé durant dix ans un emploi fictif de cadre à l'hôpital. Il conteste ces accusations. À ses côtés comparaîtront d'anciens directeurs de l'AP-HM qui ont été ses patrons. Le préjudice pour l'hôpital est estimé à un million d'euros.

Daniel Sperling lors de la campagne des municipales 2020. (Photo : JV)
Daniel Sperling lors de la campagne des municipales 2020. (Photo : JV)

Daniel Sperling lors de la campagne des municipales 2020. (Photo : JV)

La décision a été prise au parquet national financier (PNF) en ce mois de février. Le conseiller municipal et métropolitain Daniel Sperling (apparenté LR) fera l’objet d’un procès en correctionnelle pour des soupçons d’emploi fictif au sein de l’Assistance publique-hôpitaux de Marseille, a appris Marsactu. En termes juridiques, il est cité à comparaître pour les chefs de complicité et recel de détournement de fonds publics.

De 2007 à 2017, Daniel Sperling était détaché aux hôpitaux de Marseille par son employeur, le conseil régional, où il occupait un poste de haut cadre. Officiellement et selon sa propre description, il s’y occupait de la formation professionnelle mais aussi des liens entre les deux institutions. Ses fonctions d’élu – il était adjoint au maire de Marseille de 2001 à 2020, conseiller régional de 2010 à 2021 – ne lui laissaient cependant que peu de temps : grâce aux dispositions prévues par la loi, il était déchargé de la moitié de son service à l’AP-HM. Mais l’Inspection générale des affaires sociales puis le PNF et les policiers de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières (Oclciff) ont mis en cause la réalité de ce mi-temps.

“Il se dit innocent”

Les enquêtes pour emploi fictif ont ceci de particulier qu’elles se font en creux : c’est l’absence d’éléments prouvant le travail qui permettent d’établir l’infraction. “Je savais pertinemment que c’était un schéma très compliqué et je le préservais à fond. J’envoyais des notes, des rapports, tout ce qui marquait mon travail”, assurait Daniel Sperling en 2016 à Marsactu. “Il se dit innocent, confirme aujourd’hui son avocat Jean Boudot. Il a des arguments à développer. C’est un dossier qu’on va discuter pièces en main.”

Ces éléments n’ont, semble-t-il, pas suffi aux enquêteurs, pas davantage que ceux recueillis dans le cadre des perquisitions conduites en 2015 à l’AP-HM, à la mairie et au conseil régional. Convaincus de l’absence de travail ou du travail trop léger de Daniel Sperling, ils lui reprochent d’avoir “sollicité [un poste] et facilité son maintien” à l’AP-HM. Dans le dossier, on trouve ainsi une lettre de Daniel Sperling faisant l’éloge de lui-même et de son action. Suite logique de leur raisonnement, les enquêteurs ont fixé le préjudice. Employer Daniel Sperling a coûté un million d’euros à l’hôpital, la moitié environ tombant dans le portefeuille de l’élu.

Environ 750 000 euros d’avoirs saisis

Durant l’enquête préliminaire, le PNF a procédé à des saisies conservatoires sur les avoirs de Daniel Sperling. De source proche de l’enquête, celles-ci avoisinent 750 000 euros incluant notamment la saisie d’une maison d’une valeur de 360 000 euros. “Cela peut couvrir le fruit de l’infraction et le montant d’une éventuelle amende”, explique un spécialiste des infractions financières à Marsactu. Sur le papier, Daniel Sperling risque jusqu’à dix ans de prison et un million d’euros d’amende.

Quatre autres prévenus accompagneront l’élu à la barre. Il s’agit des dirigeants successifs de l’Assistance publique-hôpitaux de Marseille. Trois anciens directeurs, Guy Vallet, Jean-Paul Segade et Jean-Jacques Romatet ainsi que l’ex-directeur adjoint Jean-Michel Budet sont accusés de détournement de fonds publics. Leurs avocats respectifs n’ont pas répondu à nos questions dans le temps imparti à la publication de cet article et Jean-Jacques Romatet nous a fait savoir qu’il entendait bien faire reconnaître sa probité par le tribunal. Il leur est reproché d’avoir validé ou reconduit la mise à disposition de Daniel Sperling à l’AP-HM alors même que celui-ci était censé évoluer sous leur supervision et qu’ils ne pouvaient ignorer, selon la prévention, sa faible activité.

L’administration Vauzelle épargnée

En revanche, le parquet national financier n’a pas souhaité poursuivre de responsable de l’institution régionale. Daniel Sperling a effectué toute sa carrière au conseil régional sous la majorité de gauche dirigée par l’élu PS Michel Vauzelle. Avant de quitter son poste, celui-ci l’avait même installé au plus haut grade de l’administration territoriale, avec un salaire mensuel proche de 10 000 euros, avant de lui retirer in extremis sa promotion lors du déclenchement de l’affaire. Mais l’enquête, indique une source au fait du dossier, n’a pas permis de démontrer qu’après le transfert de Daniel Sperling, la région avait connaissance de la réalité de son travail.

L’absence de tout responsable de l’administration de cette époque étonne la défense de Daniel Sperling. “La cohérence de l’accusation interroge. Soit il travaille et il n’y a pas de débat ; soit il ne travaillait pas et ça ne peut exister sans un accord de tout le monde. Dire le contraire est une fable”, pointe Jean Boudot. La discussion contradictoire se déroulera sur cinq matinées du 27 juin au 6 juillet. De ce procès et d’une très probable peine d’inéligibilité en cas de condamnation dépendra la suite de la carrière politique de Daniel Sperling.

Au début de l’affaire, il avait assuré qu’elle lui avait coûté un poste de vice-président de la région. En 2021, il n’a pas été reconduit sur les listes de Renaud Muselier. Mais durant la période, il a en revanche gardé la confiance de Martine Vassal. Celle-ci l’a placé sur ses listes en 2020 pour le conseil municipal et la métropole. Après des mois d’hésitation, elle vient même de confirmer sa nomination à la tête du conseil de développement de la métropole. Cette assemblée qui regroupe les forces vives de la société civile du territoire est donc désormais présidée par un élu renvoyé en correctionnelle.

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Commentaires

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  1. Make OM Great Again Make OM Great Again

    Après Ansquer – le responsable des assises de l’habitat qui louait des logements indignes-, voici Sperling -l’élu supplantant la société civile qui détournait les deniers publics !

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  2. Alceste. Alceste.

    Je ne vais pas revenir sur cette èniéme affaire . Où que vous grattiez dans la gaudinie , cela pueé et tout est vérolé.
    Mais je voulais laisser un petit message à Marsactu . Marsactu vous êtes vraiment chanceux , être journaliste dans cette ville est véritablement du pain béni. Chaque jour , une crasserie, un détournement de fond, une affaire de corruption, de faux emplois, de faux permis,de l’évasion fiscale , des combines, des emplois fictifs et j’en passe et des meilleures.
    Malheureusement ce qui fait votre matiére, fait nôtre malheur en tant que citoyens , ou du moins pour ceux qui n’ont jamais voté Gaudin ou Vassal ,car les autres en ont bien profité FO en tête , et surtout en tant que contribuables.
    Chanceux , ouverts dans la critique et dans le traitement l’information.
    Mais ce qui me désole aussi quelque part , c’est que le stock entre la gaudinie, la métropole et le département semble innépuisable.
    Édouard Alletz dans ses maximes politiques (1840) écrivait :”La corruption devient tellement générale, que bien peu de gens sont encore en état de la remarquer. ”
    Citation de Édouard Alletz ; Les maximes politiques (1840).
    Marsactu,vous faites heureusement partie de ces gens capables encore de le remarquer , de le dénnoncer et de nous éclairer. Bien sûr , il faut se garder de prendre vos articles comme paroles d’Evangile , mais au moins nous disposons de l’information. et d’avoir matière à réflexion.

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    • PromeneurIndigné PromeneurIndigné

      Ce personnage n’aurait-il pas commencé sa carrière professionnelle comme agent contractuel territorial de haut niveau à la mairie de Marseille ? À quel titre ?

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  3. TINO TINO

    La fermeture des lits à l’hôpital public a donc payé l’emploi fictif de ce monsieur du monde LR. Ecoeurant.

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  4. Sentenzza Sentenzza

    Encore un honnête citoyen ,un honnête élu prit les doigts dans tout les pots de confitures que lui offre ses nombreuses et différentes casquettes administratives,on saisit tout et direct au baumette la racaille en col blanc!

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  5. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Le Conseil de Développement présidé par un élu renvoyé en correctionnelle : les moeurs de nos élus locaux, et notamment de ceux du gang gaudiniste qui se croyait propriétaire de Marseille, sont décidément pittoresques. Il faut croire qu’il n’existait aucune personnalité “propre” pour être à la tête de cette instance censée éclairer les élus.

    J’en profite pour signaler qu’on peut être candidat, en qualité de simple citoyen, pour faire partie de ce Conseil de Développement : https://innovation.ampmetropole.fr/participation/47/4-les-appels-a-innovation.htm?access=1&tab=230

    Rien que pour le plaisir de côtoyer le délicieux Monsieur Sperling, je vais peut-être présenter ma candidature.

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  6. Jean Peuplus Jean Peuplus

    Infirmières de l’APHM, laissez tomber les seringues, compresses, les gardes de nuit, de WE et jours fériés, les rappels lors de vos congés pour remplacement. Oubliez tout ça car mieux que la revalorisation de 183 € du ségur de la santé lancez vous dans la politique, vous multiplierez par 4 votre salaire et serez plus zen face au Covid.

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  7. Zumbi Zumbi

    Comment ça “l’absence d’éléments prouvant le travail” ? Veiller au bon déroulement de carrière des cadres FO et au bon versement des subventions à l’IHU dirigé par l’ex-chercheur collectionneur de photos avec Muselier, Vassal et Macron, ça mérite une grasse rémunération, non ? Et quelqu’un qui a fait carrière dans le “marketing territorial” et qui se gargarise de “smart city” n’est-il pas idéalement qualifié pour ça ?

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  8. Stéphane Coppey Stéphane Coppey

    Etrange que ce mis en examen préside aujourd’hui la séance d’installation du Conseil de développement de la Métropole Aix-Marseille-Provence…

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  9. ruedelapaixmarcelpaul ruedelapaixmarcelpaul

    “Pour le grand banditisme il fallait un expert” avait dit Le Luron à propos de Defferre ministre de l’Intérieur.
    On ne pourrait dire mieux de Sperling : pour le développement (surtout personnel) il fallait un expert. Vassal a eu raison de le nommer à la tête du conseil de développement de la Métropole.

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