Soupçons d’emploi fictif à l’AP-HM : l’élu Daniel Sperling assure avoir travaillé activement

“Je suis un élu très présent, mais j’ai toujours dit et assumé que mes engagements professionnels passaient avant tout”. Daniel Sperling l’assure, il a occupé son poste de chargé de mission auprès de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) de manière régulière entre 2007 et 2017. Le sexagénaire, élu LR à la mairie de Marseille depuis 2001, réfute donc en bloc les accusations de complicité et de recel de détournement de fonds publics pour lesquelles il comparaît devant le tribunal judiciaire de Paris depuis ce 26 février. En l’espèce, le parquet national financier (PNF) le soupçonne d’avoir perçu une rémunération de l’AP-HM “sans contrepartie réelle ou pour des prestations fictives ou surévaluées”. Daniel Sperling encourt jusqu’à 10 ans de prison, un million d’euros d’amende et une peine d’inéligibilité.

Les premiers soupçons autour du travail réel effectué par Daniel Sperling sont nés en 2014. L’inspection générale des affaires sociales (IGAS) fait alors un signalement au parquet de Marseille. Pour elle, très peu de preuves de travail du chargé de mission, détaché de son poste au conseil régional pour coordonner les relations entre la collectivité et les écoles de formations de l’assistance publique, existent. Une enquête préliminaire est alors ouverte. Elle aboutit en octobre 2015 à des perquisitions, quelques semaines avant les élections régionales auxquelles il est candidat sur la liste de Christian Estrosi et Renaud Muselier. Les enquêteurs visent notamment le bureau de Daniel Sperling à l’AP-HM, sur le site de Houphouët-Boigny. Lors de cette perquisition, ils relèvent 1084 courriels échangés entre 2007 et 2012.

Son téléphone borne 23 fois près de son bureau en un an

La défense de Daniel Sperling, en épluchant le dossier, en a dénombré 5761 concernant directement le chargé de mission. Dans les agendas de l’élu, sa présence à l’AP-HM n’apparaît que très peu. Son téléphone portable ne borne qu’à 23 reprises dans les environs de son bureau entre octobre 2014 et octobre 2015. À l’audience, Daniel Sperling explique pourtant avoir été présent très régulièrement à son poste. “J’avais des présences matin et soir, à 7h puis vers 18 h 30, mais parfois aussi en journée. Le problème à Marseille, c’est que c’est la ville la plus étendue d’Europe. Il fallait que j’aille visiter tous les sites de formation. Qui dit ville la plus étendue d’Europe, dit aussi ville très embouteillée”, argumente-t-il pour expliquer ce qui constitue aux yeux du PNF de l’absentéisme.

Les enquêteurs – qui ont été “d’une violence absolue, allant jusqu’à dire avant d’avoir commencé que j’étais dans un emploi fictif”, reproche Daniel Sperling – se sont aussi étonnés de l’absence de notification de congés de la part de l’élu en dix ans de travail. “Mes demandes de congés étaient envoyées par mail à Jean-Michel Budet [ex-directeur général adjoint de l’AP-HM, également prévenu dans ce dossier]”, répond l’élu. En dehors des radars du logiciel de gestion du temps de travail de l’Assistance publique, donc.

Vous ne déclarez pas vos absences à votre employeur, ce qui vous permet de cumuler vos revenus.

Le procureur

Déjà conseiller municipal, à partir de 2010 et de son élection au conseil régional, Daniel Sperling cumule son salaire pour son emploi à l’AP-HM et ses indemnités d’élu pour une somme annuelle de 169 000 euros. L’AP-HM a chiffré le préjudice global de ces dix ans de travail à un million d’euros. “Vous ne déclarez pas vos absences à votre employeur, ce qui vous permet de cumuler vos revenus, dénonce le procureur. Vous passez votre temps à la mairie tout en étant rémunéré par l’AP-HM”. “C’était acquis pour tout le monde que vous pouviez avoir des disponibilités pour vos responsabilités politiques”, oppose son avocat, Jean Boudot. Pour lui, Daniel Sperling a pu travailler sur des dossiers relatifs à son poste de chargé de mission depuis son bureau de la mairie de Marseille.

“Impossible de résumer 10 ans d’activité professionnelle”

Daniel Sperling continue de marteler qu’il a mené les missions qui lui ont été confiées pendant 10 ans. Il faut dire que la mission qu’il menait avait été créée spécialement pour lui. En 2006, l’AP-HM ouvre un poste de coordonnateur des écoles de formation, financé par le conseil régional, dans l’optique d’y placer Daniel Sperling, alors chargé de mission à la région PACA. Une création de poste qui s’expliquerait notamment par le transfert de compétences de l’État aux régions des formations sanitaires et sociales, institué par la loi de décentralisation de 2004. “Pour moi, c’était un vrai challenge pour faire rayonner l’AP-HM et la région“, assure le Marseillais de 65 ans, officiellement retraité à compter du 30 mars. Il répète n’avoir “rien caché”, pas même son envie de monter en grade dans la fonction publique territoriale grâce à ce détachement à l’Assistance publique.

“C’est impossible de résumer en quelques mots dix ans d’activité professionnelle, notamment parce qu’il y a un grand nombre de dossiers que j’ai traités”, souligne-t-il, en appuyant ses actions en faveur du service civique. Trois rapports sont également signés de la main de Daniel Sperling. Une paternité dont doute le PNF parce que le chargé de mission semble s’être fait aider dans la rédaction de ces synthèses. S’il a sollicité de l’aide pour mettre en forme les rapports, il assure avoir effectué tout le travail de recherche et de documentation lui-même. “Ce bonhomme travaille avec des bouts de papier, des notes illisibles et il demande à quelqu’un de l’aider à rédiger”, plaide Jean Boudot,  non sans faire reconnaître à son client que “tout ce qui a été fait ne coche pas toutes les cases de la normalité”, sans que cela implique obligatoirement la constitution d’une infraction. Le tribunal de Paris entendra les quatre autres prévenus, ex-directeurs et directeurs adjoints de l’AP-HM, le 28 février.

Cet article vous est offert par Marsactu

Marsactu est un journal local d’investigation indépendant. Nous n’avons pas de propriétaire milliardaire, pas de publicité ni subvention des collectivités locales. Ce sont nos abonné.e.s qui nous financent.