Le “long et complexe” chemin qui mène vers le parc Bougainville

Reportage
le 19 Mai 2017
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Alors que les concertations autour du projet de parc à Bougainville reprennent, plusieurs problématiques autour de la construction et des usages du futur parc ressortent. Marsactu s'est invité à la première réunion de cette nouvelle phase de dialogue avec les riverains du futur "poumon vert" de Marseille.

Des aménagements provisoires doivent permettre d
Des aménagements provisoires doivent permettre d'attendre le parc définitif en 2020. Photo : Djenaba Diame.

Des aménagements provisoires doivent permettre d'attendre le parc définitif en 2020. Photo : Djenaba Diame.

Le futur parc Bougainville en est toujours aux esquisses. Une nouvelle phase de concertation s’est ouverte mardi, en fin d’après-midi, au Nomad’Café (3e), à deux pas du futur parc. Sur le trottoir d’en face, un panneau permet déjà de consulter l’essentiel du projet. Dans la salle de concert, une cinquantaine de personnes. Habitants ou habitués du secteur, étudiants, enseignants, concernés de loin ou de près par le parc Bougainville, ils ont tenu à participer à la première concertation de l’année.

Depuis mars 2016, Euroméditerranée organise des réunions pour concevoir le parc Bougainville avec ceux qui le feront vivre. Les concertations précédentes avaient permis de recueillir les premières impressions et requêtes des participants. Cet après-midi, la rencontre de trois heures est animée par Anita Leroux, directrice de projet chez Euroméditerranée qui pilote l’aménagement du parc Bougainville, et par Mathias Bourrissoux, coordinateur d’Arènes, l’association spécialisée dans la concertation qui appuie Euroméditerranée. Deux autres suivront au même endroit, le 30 mai et le 4 juillet.

Des aménagement provisoires

Le processus est “long et complexe“, rappelle Anita Leroux devant la salle comble, diaporama à l’appui, et “les concertations n’en sont que la partie visible“, souligne Mathias Bourrissoux. En effet, le parc Bougainville ne constitue que la première étape d’un projet beaucoup plus vaste, celui du parc des Aygalades qui se développera sur 14 hectares et qui verra le jour dans “beaucoup plus longtemps, peut-être dix ans”, d’après Anita Leroux.

Entouré par les Crottes, Les Docks Libres et la cité Bellevue et positionné à la sortie du métro Bougainville, cet espace devrait “revaloriser” une zone “à l’abandon” et rassembler, selon ses initiateurs, les populations des différents quartiers. Un travail de longue haleine qui perdurera après la livraison du parc. Au fil des explications, les cartes et les dates défilent sur le diaporama, on prend des notes, au stylo ou sur ordinateur. Très vite, les premières inquiétudes se font ressentir. 

La paysagiste Sylvanie Grée montre en comparaison les aménagement réalisés pour un parc à Saint-Denis. Photo : Djenaba Diame.

Je voulais savoir, ces aménagements provisoires, on en fait quoi ensuite ?”, lance un homme, une vingtaine de minute après le début de la séance. Les concertations de l’année 2016 avaient notamment servi à définir les aménagements provisoires. En attendant la fin de la phase d’esquisse et celle d’avant-projet, un budget de 500 000 euros a été alloué à des équipements temporaires, des jeux pour enfants et des équipements sportifs par exemple, qui sont actuellement en cours d’installation. “Il y aura une perte obligatoire“, admet Mathias Bourrissoux, par contre, quelques aménagements pourraient être repositionnés dans le futur”. “On est dans un processus assez long, il est question de démolition, d’études, d’acquisition, de dépollution, poursuit Anita Leroux, pendant ce temps, on pose des installations provisoires et ludiques pour commencer à changer les habitudes.”

Un poumon de Marseille

Pour changer les habitudes aussi, les riverains manifestent le besoin d’avoir des espaces verts dans une zone où ils sont quasi-inexistants, un besoin d’air pur. “On aurait voulu que ce parc soit un poumon de la ville, j’ai l’impression qu’il y a beaucoup de bétonnage, ce serait bien de privilégier la végétation“, propose un participant, on acquiesce dans la salle. Le parc Bougainville, nouveau poumon de Marseille, l’idée en séduit plus d’un et cette demande avait déjà émergé lors des concertations précédentes.

Elle restera en attente une nouvelle fois car la démarche n’est pas aussi simple : “À ce stage du projet, il est impossible de faire de la plantation”, explique Mathias Bourrissoux, “certaines zones sont peut-être polluées, il faut mener des études avant toute plantation”. Mais le représentant d’Arènes se veut tout de même rassurant : “À la fin on aura un parc très vert, l’idée c’est d’avoir un aménagement définitif avec ce qu’on attend d’un vrai parc, des plantations et des espaces verts. Mais s’il y a des gens porteurs de petits projets de végétation pour l’instant, pourquoi pas”. Au fond de la salle, on prend la parole, “Si on fait des petits aménagements, je ne suis pas sûr que ça serve à quelque chose…”

Concertation du parc Bougainville. Photo : Djenaba Diame

Le débat n’ira pas plus loin, “On peut installer tout ce qu’on veut, si on ne traite pas l’incivilité ça ne servira à rien”, tranche une jeune maman du quartier des Crottes. “Il faut faire de la médiation, faire de la gestion du temps scolaire par exemple, c’est un besoin crucial. Je parle ici en tant qu’habitante qui voit ce qui se passe ici au quotidien.”

Une nécessité de médiation sociale et culturelle

La crainte de dégradations pèse sur le projet depuis ses prémisses. “L’autre jour, des minots disaient que de toutes façons tout allait être détruit”, racontait, quelques minutes plus tôt, un passant devant le Nomad’café. Plusieurs solutions ont été envisagées : fermeture du parc la nuit ? accès surveillés ? C’est finalement la médiation sociale et culturelle qui a été privilégiée.

Aujourd’hui, les participants souhaitent en discuter à nouveau. “Qui veut parler ? Vous Madame”. “Ce serait intéressant de faire participer les jeunes, je ne sais pas si vous y avez pensé. On pourrait faire des activités autour de l’écologie, sensibiliser. Il y a peut-être aussi des moyens des créer des emplois, je ne sais pas…”, intervient une dame au fond de la pièce. Mathias Bourrissoux prend le soin de griffonner sur le papier ces quelques pistes de réflexion. En attendant, certains dispositifs ont été réfléchis en amont.

À l’occasion de l’installation des premiers aménagements provisoires, les associations installées dans le secteur ont été contactées pour aider les habitants à s’approprier les lieux et à en faire bon usage. Mais le manque de cohésion sociale et les disparités entre les différents quartiers concernés par le parc Bougainville ne sont pas de bon augure pour le travail des associations. “Il y a dans cette zone plusieurs quartiers qui se rencontrent mais ne se côtoient pas trop et qui ne veulent pas forcément faire l’effort d’échanger”, note Mathias Bourrissoux.

Bellevue en retrait

Les tours de la cité Bellevue. Photo : Djenaba Diame

J’aimerais savoir pourquoi il n’y a personne de Bellevue ici ?”, lance une dame au premier rang. La question est rhétorique et sonne plutôt comme un reproche. “Si, on est là !“, réagissent trois ou quatre personnes. Les habitants de Bellevue, quartier à la population particulièrement précarisée, ont été les grands absents des concertations 2016. “Ça a été difficile de les faire participer, les habitants de Bellevue ne se sentent pas légitimes à intervenir”, confie une habitante du 15e qui suit le processus depuis ses débuts. Euroméditerranée et ses partenaires sur le projet avaient d’ailleurs envoyé une équipe au sein même de la cité pour organiser des “focus groups” pour impliquer davantage ses habitants.

Cela nous a permis de rencontrer des jeunes, des mamans et d’en discuter avec eux” raconte Anita Leroux. C’est sur cette lancée que les participants souhaitent poursuivre une aventure qui promet de durer encore plusieurs années. Les concertations, si elles sont essentielles,  s’annoncent longues et délicates entre les habitants qui déménagent et délaissent le projet, ceux qui prennent le train en marche, les divergences d’intérêts des quartiers et les questions encore en suspens. La prochaine fois on aura plus de temps pour les prises de paroles “, promet Mathias Boussiroux.

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