Logement social : l’État prend la main dans six communes du département
Au début du mois, une vingtaine de maires des Bouches-du-Rhône a symboliquement remis les clés de leur mairie au préfet. Ce dernier en a gardé quelques unes… Convoqués le 7 octobre à une réunion sur la construction de logements sociaux, certains élus avaient refusé de négocier le “pacte de mixité sociale” proposé par l’État pour rattraper le retard par rapport aux exigences de la loi SRU. Ce lundi, au terme d’un comité interministériel pour l’égalité et la citoyenneté, les services du premier ministre ont publié une liste de 36 communes “dans lesquelles l’État va se substituer aux maires” – dont six du département, Mimet, Éguilles, Les-Pennes-Mirabeau, Gémenos, Plan-de-Cuques et Carry-le-Rouet.
Plus concrètement, il est précisé que “le préfet préemptera des terrains et des logements ; délivrera des permis de construire en lieu et place des maires ; mobilisera des logements vacants dans le parc privé.” Cette possibilité avait été évoqué par le préfet Stéphane Bouillon dès son entrée en fonction en août. “Pour un maire, voir quelqu’un prendre à sa place la politique d’urbanisme n’est jamais très flatteur, mais la loi doit s’appliquer partout”, expliquait-il alors.
Il soulignait que les Bouches-du-Rhône concentrent 42 des 222 des communes carencées au niveau national, c’est-à-dire ne respectant pas les objectifs de construction. Dans toutes les villes de plus de 3 500 habitants, la loi impose de tendre vers un taux de 25 % de logements sociaux. En fonction du retard à rattraper, un objectif sur trois ans est fixé.
Jusqu’à présent, l’État se limitait à appliquer des pénalités financières aux récalcitrants, alourdies en 2013 puis en 2014. Mais, cette année, le gouvernement semble motivé à appliquer toute l’étendue des pouvoirs que lui donne la loi. Dans les Alpes-Maritimes, le préfet a déjà délivré un permis de construire à Menton et imposé une participation de la commune aux travaux à Grasse.
Devant la préfecture, ce volontarisme passait mal chez des élus se disant dépassés par l’ampleur de la tâche. “Je fais partie des bons élèves, je produis du logement social, mais ma commune paie quand même une amende. On n’y arrivera jamais”, pestait Roland Mouren, maire de Châteauneuf-les-Martigues. “Des énarques ont pondu des lois sans se préoccuper de pouvoir les appliquer, abondait Bernard Destrot, élu à Cuges-les-Pins. Si on me donne la solution, je suis preneur, mais Cuges est une cuvette, dont la moitié est en zone agricole, l’autre partie pratiquement mitée de toutes parts. Dans les collines, nous sommes en zone incendie et dans la partie agricole, ce sont les inondations.”
Ces “contraintes environnementales, foncières, de risques technologiques”, le préfet ne les nie pas et assure qu’elles font partie de la négociation du pacte de mixité sociale. D’où le fait que la première liste publiée ce lundi cible uniquement les communes ayant refusé les discussions. Joint par téléphone, le sénateur-maire des Pennes-Mirabeau Michel Amiel tombe des nues : “On est en train d’y travailler. On n’a pas de problème à signer, même s’il y a des difficultés bien réelles.” C’est ce qu’on comprend à la lecture d’un article du Monde consacré à cette ville qui “ne veut pas devenir le 17e arrondissement de Marseille”. Contactée, la préfecture ne nous a – pour l’heure – pas fourni d’explications à la présence de cette commune dans la liste. Michel Amiel a décidé d’écrire à Manuel Valls pour obtenir un démenti.
La loi Égalité et citoyenneté, prévue pour un examen au Parlement en février 2016, prévoit une autre mesure dissuasive : la reprise par le préfet du “contingent communal”. Actuellement, l’attribution de 20% des logements sociaux disponibles est réservée à la commune. Cette prérogative est sensible et les élus se plaignent déjà “de ne pas être associés aux décisions d’attribution du contingent préfecture”, comme ils l’écrivaient le 7 octobre dans un courrier à Stéphane Bouillon. L’État dispose théoriquement de 30% des logements mais ne les exploitait pas toujours. Depuis quelques années, il tend à davantage faire jouer cette priorité. Si l’État met la main sur ce “contingent communal”, il prive les maires de la possibilité de choisir qui va habiter les logements sociaux.
Autre source d’inquiétude : la métropole. “Tous les contingents vont être mixés et on pourra envoyer des gens qui ne sont pas de la commune”, s’alarme Béatrice Aliphat, maire de Saint-Mitre-les-Remparts (Les Républicains). “Nul n’est mieux placé que le maire pour attribuer ses logements sociaux”, approuve Jean-Claude Féraud (Trets) pour qui “il est normal qu’un maire loge avant tout sa population”.
Dans de nombreux discours d’élus locaux, plane comme un non-dit la crainte de voir des Marseillais débarquer dans des villes qui se vivent comme des “villages”. En février 2013, dans un bulletin municipal de Trets spécial métropole, un subtil photomontage agitait la menace des “barres HLM” :
L’attribution se faisait déjà au niveau intercommunal dans certains territoires, comme le pays d’Aix. Mais cela se faisait en bonne entente, souligne Jean-Claude Féraud. Chantre de la “gouvernance partagée” avec les maires, le candidat à la présidence de la métropole Jean-Claude Gaudin pourrait bien promettre la même bienveillance. À moins que le préfet ne lui coupe l’herbe sous le pied en attribuant les logements à sa place.
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