La Cour de cassation clôt l’affaire Jean-Noël Guérini et met fin à la carrière du sénateur
Quinze ans après l’ouverture d’une enquête judiciaire qui allait montrer l’immixtion d’intérêts privés dans la gestion du département des Bouches-du-Rhône, Jean-Noël Guérini est désormais inéligible. Celui-ci avait choisi d’utiliser tous les recours possibles pour faire reconnaître son innocence et repousser sa retraite politique forcée. Dans un arrêt rendu ce 13 mars, la Cour de cassation a décidé de confirmer la peine infligée le 30 mars 2022 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence à son encontre pour “prise illégale d’intérêts”, la rendant ainsi définitive et exécutoire.
Les moyens soulevés par l’élu de 73 ans dans sa requête ne sont “pas de nature à permettre l’admission du pourvoi”, dit la cour. Ce qui signifie que la plus haute juridiction a balayé d’un revers de la main ses arguments. Il pourrait encore se tourner vers “la Cour de justice de l’Union européenne, s’il y a matière à la saisir”, précise à Marsactu son avocat Dominique Mattei.
Dans quelques jours, Jean-Noël Guérini ne sera donc plus sénateur. C’était le dernier mandat exercé par le parrain socialiste des Bouches-du-Rhône qui a dominé la gauche locale pendant plus de dix ans, manquant d’un rien de rafler la mairie de Marseille à Jean-Claude Gaudin, en 2008. Il avait déjà perdu la présidence du conseil départemental des Bouches-du-Rhône en 2015 au profit de la droite de Martine Vassal et ce, malgré le soutien constant de la majeure partie de la gauche locale, peu effrayée par ses frasques judiciaires. S’il n’était plus conseiller départemental depuis 2021, il avait réussi à rafler un poste de sénateur en 2020. Ce qui lui aura permis un dernier déplacement officiel à l’occasion d’un voyage en Inde avec le président du Sénat en février dernier.
En plus de cinq ans d’inéligibilité, Jean-Noël Guérini est aussi définitivement condamné à trois ans de prison, dont la moitié avec sursis. La cour d’appel avait ainsi souhaité “sanctionner des agissements qui portent gravement atteinte au jeu démocratique et à l’intérêt commun”. Les juges estimaient que les actions de Jean-Noël et d’Alexandre Guérini, son frère cadet, également poursuivi, “contribuent à jeter le discrédit sur les fonctions publiques électives et ceux qui les exercent.” Ils rappellent “les exigences de probité que les citoyens peuvent légitiment attendre d’un élu”. Comme l’avait précisé la cour d’appel, Jean-Noël Guérini devra purger cette peine sous forme de détention à domicile avec port d’un bracelet électronique.
Cette condamnation est la conséquence de la décision prise par celui qui était alors président du département concernant la préemption d’un terrain annexe à la décharge du Mentaure, à La Ciotat. Décision qui permettra in fine une extension du site géré par une société de son frère Alexandre Guérini. Lequel est, lui aussi, définitivement condamné après l’arrêt de la Cour de cassation à six ans de prison, notamment pour abus de confiance et blanchiment (voir encadré).
Alexandre Guérini débouté de son pourvoiSes arguments ont été beaucoup plus étudiés que ceux de son frère. Mais Alexandre Guérini n’a pas réussi à obtenir le nouveau procès en appel qu’il espérait. La Cour de cassation a notamment effectué un “revirement de jurisprudence” en sa défaveur sur le chef d’abus de confiance, portant sur l’enfouissement illicite de déchets privés dans la décharge publique du Mentaure. Si la Cour de cassation avait suivi le même raisonnement que précédemment, elle aurait demandé une nouvelle décision de la cour d’appel d’Aix-en-Provence et ouvert la voie à une réduction de la peine infligée à l’entrepreneur. Il est donc définitivement condamné à six ans de prison, à la saisie de ses avoirs à hauteur de 9 millions d’euros et à verser des dommages et intérêts à la métropole à hauteur de 1,67 millions d’euros, à régler solidairement avec deux autres prévenus. Emprisonné pendant la procédure, puis après le procès en première instance et, de nouveau, après celui en appel, Alexandre Guérini devra retourner derrière les barreaux. Contactés, ses avocats n’ont pas souhaité faire de commentaires.
Cette décision est le premier aboutissement d’un dossier tentaculaire longtemps mené par le juge Charles Duchaine qui s’était lancé, après la réception d’une lettre anonyme très détaillée en 2009, dans une radiographie des activités des deux frères. Scindée en deux informations judiciaires distinctes, les procédures se sont enlisées. À ce jour, une enquête est toujours en cours devant le tribunal judiciaire de Marseille où les deux frères sont mis en examen, notamment pour corruption. Dans cet autre dossier, on reproche entre autres à Jean-Noël Guérini d’avoir favorisé les desseins de Bernard Barresi, un malfaiteur en cavale condamné depuis à dix ans de prison par les assises pour le “hold-up de l’A36”.
La fin de carrière de Jean-Noël Guérini vient en tout cas sceller symboliquement une ère durant laquelle les affaires d’atteinte à la probité se sont multipliées au sein de la gauche locale et en particulier au sein du Parti socialiste des Bouches-du-Rhône. Durant ces vingt dernières années, une petite dizaine de figures, héritières du defferrisme, ont été visées par des enquêtes retentissantes, à commencer par la députée Sylvie Andrieux, condamnée pour détournement de fonds publics, à la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Une génération que la dynamique Printemps marseillais a fini de sortir du jeu aux municipales 2020 en remportant la mairie.
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