[Marseille trop puissante] Le Planning familial 13 de génération en génération

Julia Morandy a 93 ans. De petits yeux malicieux et les cheveux bleus. Elle me reçoit dans son salon, “vue sur la Bonne Mère”, s’amuse-t-elle. A côté d’elle, sa petite-fille Camille Noble, 34 ans, au regard et aux gestes francs, assise en tailleur sur l’un des larges fauteuils qui occupent la pièce. J’observe ces deux femmes que soixante années séparent. Derrière elles, le portrait d’une dame à l’air sévère dont le visage est entouré d’un foulard noir. “C’est ma grand-mère corse, Annonciade. C’est d’elle que tout est parti”, commence Julia Morandy. La première d’une longue lignée de femmes insoumises. Julia Morandy replace son chandail bleu assorti à ses cheveux, avant de compléter : “J’ai lutté toute ma vie pour ma liberté et celles des autres femmes.” La nonagénaire est l’une des pionnières du Planning familial 13, premier acteur local des luttes sur la sexualité et la reproduction, créé en 1962 à Marseille. Elle rencontre l’association en 1975, l’année de ses 45 ans. Déjà mère de trois enfants, elle tombe de nouveau enceinte : “Je n’avais pas de moyen de contraception et même si la pilule était autorisée, elle n’était pas en vente libre. Il fallait la faire venir d’Angleterre, tout était compliqué et cher.” Nous sommes en 1975 et la loi Veil légalisant l’avortement en France vient tout juste d’être votée. Cependant, trouver un ou une professionnelle qui le pratique demeure complexe. Un médecin généraliste lui indique un groupe installé au 26 rue de Rome, qui oriente les femmes souhaitant avorter : il s’agit du Planning familial. “Dès que je suis entrée dans ce local, je me suis dit : c’est exactement ici qu’il faut que je sois. Je voulais aider d’autres femmes à mon tour”, se souvient-elle. En mai 1975, le Planning ouvre le premier centre d’orthogénie – de prise en charge des femmes pendant leur interruption volontaire de grossesse – de Marseille, avec l’agrément du ministère de la Santé, dans les locaux fournis par la mairie, d’abord au 81, rue Sénac dans le 1er arrondissement. Deux ans plus tard, elle est l’une des premières animatrices de l’association à … Lire la suite de [Marseille trop puissante] Le Planning familial 13 de génération en génération