Par ses sanctions collectives, l’État incite à créer des milices sanitaires populaires

Billet de blog
par MalMass
le 30 Sep 2020
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Par ses sanctions collectives, l’État incite à créer des milices sanitaires populaires
Par ses sanctions collectives, l’État incite à créer des milices sanitaires populaires

Par ses sanctions collectives, l’État incite à créer des milices sanitaires populaires

 

Oui, les Marseillais étaient et restent nombreux à ne pas respecter les gestes barrières. Le non respect de l’obligation du port du masque dans l’espace public en est le symptôme le plus visible. Oui, dans de nombreux cafés et restaurant, le personnel ne portait pas de masque au dessus du menton. Oui, ces comportements peu responsables, ce jemenfoutisme, ces égoïsmes sont, pour ceux qui voyagent en France, plus fréquents ici qu’ailleurs. Ce n’est donc pas une surprise que la reprise épidémique à partir de mi juillet a été nettement plus forte ici qu’ailleurs.

Mais l’État a aussi sa part de responsabilité alors que le président de son conseil scientifique sur mesure n’a cessé de répéter craindre une seconde vague à l’automne donnant ainsi raison à ceux qui pensaient que la première vague était passée et que l’été serait sauf. Dans un même mouvement forcément rassurant, les autorités n’ont rien fait pour exiger et s’assurer du respect des gestes barrières en dehors des bureaux de vote lors du second tour des élections municipales, offrant aux médias l’image de moments festifs sans distanciation sociale de la part d’élus qui auraient dû se soucier d’un certain devoir d’exemplarité.

L’État a sa part de responsabilité aussi par l’incohérence de ses consignes sanitaires sectorielles qui autorisaient, par exemple, d’occuper tous les sièges des trains et bus avec un masque mais exigeaient de laisser libre un siège sur deux dans les transports en commun. Pendant plusieurs semaines, il était aussi possible de remplir les trains ou les bus mais pas d’aller au cinéma. Puis les cinémas ont pu rouvrir avec un public démasqué une fois assis, alors que le masque restait de mise dans les transports, même assis…

L’État a enfin sa part de responsabilité parce qu’il n’a pas fait grand chose pour s’assurer de l’effectivité des mesures de prévention qu’il prenait. A Marseille, le Préfet a d’abord rendu le port du masque obligatoire dans des zones ciblées, parce que très fréquentées, autour du Vieux-Port, du Cours Julien et aux plages du Prado, mais il n’a pas voulu mobiliser les forces de l’ordre pour s’assurer de l’effectivité de sa mesure. Le Préfet a ensuite étendu cette obligation optionnelle aux arrondissements centraux, sans plus d’implication, ni de succès. Qu’a-t-il alors décidé ? D’élargir l’obligation à l’ensemble de la commune, pour agrandir encore les zones hors de contrôle en y intégrant davantage de quartiers peu fréquentés. Ce faisant, quel message envoie l’État sur l’importance, donc l’efficacité de sa mesure, alors qu’il semble moins s’impliquer pour son respect que pour la sécurité routière ou la lutte contre la consommation de cannabis ?

Une compagnie de 130 CRS est arrivée à Marseille mi aout, officiellement pour appuyer les mesures sanitaires prises. Où sont-ils intervenus concrètement, jour après jour ? Combien de personnes ont-ils verbalisées alors que vingt minutes de marche entre La Plaine et le Vieux Port par Noaille suffisait pour dépasser la centaine d’infraction à l’obligation du port du masque ? Au delà de ces renforts, quelles ont été les priorités d’action de la police nationale depuis la mi aout ? Combien d’interventions l’inspection du travail a-t-elle effectuées pour s’assurer du respect des gestes barrières dans les cafés et restaurants, pour s’assurer de la sécurité des salariés qui y travaillent ? Combien de sanctions ont été prises ? Quelles ont été les interventions de la répression des fraudes pour sanctionner les restaurants ou salles de sports qui faussent la concurrence en ne respectant pas les règles de prévention sanitaire quand d’autres font tout pour les mettre en oeuvre ?  Là encore, combien de sanctions ont été prises ?

En réalité, ces dernières semaines donnent l’impression que l’État n’a pas voulu mobiliser ses moyens pour sanctionner les infractions individuelles aux règles sanitaires qu’il prenait. Il a semblé vouloir s’en remettre à la bonne volonté des uns et des autres à respecter les règles en espérant que cela suffirait à réduire les risques. Il a sans doute aussi compté sur la coopération des collectivités locales pour mettre en oeuvre des moyens de contrôle qu’il ne voulait pas mobiliser lui-même, mais s’est retrouvé sans élus coopératifs à Marseille. Et comme dans le célèbre dilemme du prisonnier bien connu des économistes, parce qu’il a refusé les sanctions individuelles, tous se retrouvent pénalisés par les nouvelles sanctions collectives annoncées par le ministre de la Santé en fin de semaine dernière.

Parce que le virus n’est pas prêt à disparaître et que le vaccin n’est pas pour demain, combien de temps et combien de fois, ceux qui respectent les règles devront subir les conséquences des agissements de ceux qui ne les respectent pas ? Combien de temps ceux qui respectent les règles accepteront cette situation où l’Etat privilégie la sanction collective faute d’avoir voulu prendre des sanctions individuelles ? En affichant son manque de volonté et son manque de moyens, l’État prend le risque d’inciter à la création de regroupements locaux spontanés de volontaires disposés à suppléer à ses défaillances,  pour faire respecter les règles sanitaires par tous, afin de protéger leurs libertés fondamentales, d’aller et venir, de se rassembler, d’entreprendre, etc. Si l’on n’y prend garde, l’heure des milices sanitaires populaires pourrait bientôt sonner !

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