De Verkhoïansk à la rue d’Aubagne

Billet de blog
le 23 Juin 2020
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Samedi 20 juin 2020, il a fait 38° dans la petit ville russe de Verkhoïansk, située au-dessus du cercle arctique, en Sibérie. L’article du Monde qui rapporte cette information fait remarquer, à titre de comparaison, que Miami n’a connu cette température qu’une seule fois dans son histoire. Une seule fois.

Fin novembre 2018, j’écrivais mon chagrin et ma colère face à la tragédie de la rue d’Aubagne.

Quel rapport peut-il y avoir entre un record de température à l’autre bout de la planète et l’effondrement de deux immeubles à Noailles, quartier populaire de Marseille ? Directement, il n’y en a pas. Ou peut-être, si. Mais pas en cherchant dans les causes, plutôt en imaginant les solutions qui auraient pu – peut-être, sans doute – éviter ces situations dramatiques.

Nous sommes proches désormais du second tour des élections municipales de Marseille. La ville est à un moment de basculement à plusieurs titres : d’abord, l’élection mettra fin à l’ère Gaudin. Ensuite, nous aurons – avec certitude – pour la première fois de l’histoire marseillaise, une maire. Enfin, nous allons devoir choisir entre deux candidatures intégralement différentes : celle de la rupture avec Michèle Rubirola. Et celle de la continuité avec Martine Vassal.

C’est le visage de Marseille qui est sur le point de changer. Mais c’est aussi le sens de l’histoire que la deuxième ville de France est sur le point de suivre. Car la présence au second tour du Printemps Marseillais rebat les cartes et propose une candidature transversale, celle de la réconciliation entre l’humain – au sens social – et la nature – au sens écologique.

A titre personnel, j’ai voté EELV au premier tour. C’est ma fibre. Et pour moi, la fusion EELV-Printemps Marseillais était une évidence. On ne peut plus faire l’économie de l’écologie et du social. Voire des trois écologies théorisées par Félix Guattari : l’écologie environnementale, l’écologie sociale et l’écologie mentale. A ce titre, j’estime que la candidature de l’héritière de Jean-Claude Gaudin n’est plus de notre temps : détruire la nature et couper des arbres pour faciliter l’érection de résidences fermées ou permettre au tramway de se poursuivre, ce sont des méthodes et une conception de la ville qui nous renvoient à l’ère Gaston Defferre. Vendre la ville uniquement aux touristes et aux tournages de films qui sont parmi les secteurs les plus fragiles en cas de crise – nous venons de le vivre avec le confinement -, c’est prendre le risque de parier au casino : quand tout va bien, l’argent rentre ; quand tout va mal, les financements viennent à manquer. Monter les habitants les uns contre les autres, accentuer les inégalités et mener la ville jusqu’à un point de rupture que plus personne ne pourra suturer, c’est d’une autre époque. Enfin, ne pas avoir d’autres programmes que replanter les arbres assassinés, agrandir un parc déjà conséquent jusqu’à la mer, privatiser et bétonniser à outrance l’espace public ou favoriser et accélérer encore la transformation physique d’une ville qui empile déjà les projets architecturaux insipides par des projets encore plus insignifiants, c’est décidément une politique dont nous ne voulons plus.

Aujourd’hui, le sens de l’histoire de Marseille, c’est soigner ses habitants autant que la nature qui les entoure. C’est permettre aux marseillaises et aux marseillais d’aimer leur ville que beaucoup ont fuit alors que d’autres y sont venu après avoir découvert ce diamant brut, hélas éraflé par les politiques qui se sont succédé. C’est ressouder le nord et le sud. C’est retrouver une Marseille populaire où les inégalités, à défaut d’être gommées, seraient réduites. Où la nature reprendrait ses droits. Où un projet majeur s’adapterait au terrain et non l’inverse. Où les citoyennes et citoyens ne seraient plus de simples électeurs et électrices… Marseille a besoin qu’on l’aide à retrouver le sens des mots : bienveillance, entraide, respect, fraternité, inclusion, générosité, amour… Des termes applicables aux habitants comme à la nature.

L’activiste Julia “Butterfly” Hill, qui a passé 738 jours en haut d’un séquoia géant afin d’empêcher que des forestiers l’abattent, a dit : “Nous sommes les ancêtres du futur – nous l’avons oublié, c’est pour cela que nous causons tant de mal à la terre et à nos semblables car nous avons oublié que nous sommes aussi des ancêtres. Nous sommes seuls à pouvoir décider quel sera notre héritage, nous sommes seuls à pouvoir décider quelle histoire au moment de notre mort nous aurons écrit avec notre vie et quelle terre, quel monde nous laisserons aux générations futures. Nous ne vivons pas comme des ancêtres.

Soyons les dignes “ancêtres du futur” de Marseille. L’histoire jugera nos choix.

J’en appelle ainsi à toutes les marseillaises et tous les marseillais qui ne partagent pas forcément les idées du Printemps Marseillais ou des écologistes. Sachez mettre vos réticences de côté (afin d’éviter que nous ne perdions encore six années). Sachez peser le pour et le contre des candidatures restantes (ou votez blanc, si ce choix vous coûte). Sachez refuser les programmes nés de la haine (qui n’apportent que la haine). Sachez placer Marseille avant vos propres intérêts (car désirer le bien d’autrui et le respect de la nature sont des actes désintéressés).

Sachez penser contre vous-même.

Il est temps que Marseille bascule, non dans le chaos que cherche à vendre l’équipe de Martine Vassal, mais dans une ère nouvelle où des choix politiques forts ne permettront plus que des gens meurent dans l’effondrement de leur immeuble insalubre. Et, par effet papillon, qu’une petite ville de Sibérie se prenne, le temps d’une journée, pour Miami.

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