Le port se voit un avenir à l'Est

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le 15 Nov 2012
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Le port se voit un avenir à l'Est
Le port se voit un avenir à l'Est

Le port se voit un avenir à l'Est

La charte ville/port patiente depuis plusieurs semaines dans le corridor des assemblées délibérantes des différentes collectivités locales. Pourtant ce document contractuel signe la paix des braves autour des bassins Est du Grand port maritime de Marseille(GPMM). La Ville a cru bon de freiner sa signature pour des raisons que d'aucuns jugent "subalternes". Ce qui en langage portuaire se traduit par : "Nous n'avons pas de commentaires à faire. Ces demandes relèvent des relations quotidiennes entre le port et les collectivités locales. Or, la charte ville/port acte des principes de travail entre les différents partenaires concernés par le périmètre ville/port pour les quinze prochaines années".

Lesdites institutions(1) se retrouveront au sein d'un comité de pilotage présidé par le préfet, flanqué d'un comité technique et d'un comité de concertation. Symbolique, la charte met tout de même fin à un dos-à-dos épuisant entre le Port et les collectivités. Elle met fin également aux appétits de certains promoteurs qui espéraient faire des quais de futurs marinas les pieds dans l'eau. Dans un bel euphémisme, la charte note : "L'interrogation s'est même emparée de certains quant à l'opportunité du maintien dans la clôture portuaire de tous ces espaces ressentis en sous activité".  Pour le reste, la charte est avant tout une feuille de route politique qui réaffirme à la fois la vocation industrielle, la valeur stratégique du tourisme et des croisières et la porosité souhaitée entre la ville et le port. 

Proposé en annexe de la charte, le rapport Cousquer – du nom de l'ingénieur des Ponts qui a présidé la commission ad hoc – est un peu plus disert sur le détail des plans prévus. C'est l'ensemble de ces projets que nous nous proposons de brosser ici, donnant un aperçu du futur du port du sud au nord.

Le water front à la plaisance

Au sud, il y a donc le J4, premier acte de la cession des terrains portuaires à l'établissement public Euroméditerranée. D'abord esplanade, le J4 est aujourd'hui le site d'implantation du Mucem et de la Villa Méditerranée. De là, démarre ce que le rapport Cousquer nomme le "water front" (front de mer, ça marche aussi, ndlr). Sur les bassins immédiatement attenants, le Port propose d'installer des quais destinés aux bateaux de croisière de luxe et de haute plaisance.

"C'est la meilleure place possible pour accueillir des bateaux de petite taille, explique Régine Vinson en charge du projet ville/port au sein du GPMM. Il y a une demande sur ce segment avec une implantation proche des centres villes". Le rapport Cousquer ajoute : "Peuvent être prévus l’aménagement d’une gare maritime de croisière haut de gamme, l'accueil de services support à la grande plaisance ou à la croisière (club house, restauration, hôtellerie…)" Bref, on est loin des odeurs de cambouis…

Le siège du port démoli

Cet aspect "haute valeur ajoutée" court jusqu'aux bassins de la Joliette. Dans le prolongement de la place du même nom, le port propose d'offrir aux Marseillais une vraie porosité leur permettant d'aller "au contact de l'eau" le long du hangar J0 dit "Eiffel"  qui serait dédié au patrimoine portuaire, préfigurant un véritable quai d'honneur, pour l'heure inédit. Toujours dans cet esprit de "porosité", la digue du large accessible au public par navette accueillerait des "activités de restauration et de loisirs définitives ou temporaires".

Témoignage disgracieux de choix architecturaux douteux, le siège du GPMM est appelé à disparaître pour être reconstruit sur place. Reste à trouver le logement tiroir qui accueillera les salariés durant les travaux et – détail – les 35 millions d'euros de la facture. Autre nouveauté, le futur siège s'ouvrirait vers le sud (et le quai d'honneur) plutôt que sur la place de la Joliette. Les équipes d'Hammerson, propriétaire des Terrasses du Port, seront ravies de cette nouvelle, eux qui grimaçaient de subir un tel voisinage alors qu'il paie un lourd loyer au Grand port maritime.

L'ensemble du secteur sud représente également un fort potentiel immobilier. Le rapport Cousquer l'évalue à 200 000 m2, comprenant la réaffectation des surfaces du J1, J0 et du siège. Ces mètres carrés seraient donc mis sur le marché dans le but d'attirer de l'immobilier de bureaux au sud des Terrasses du port. Au nord, ce sont les activités logistiques qui sont susceptibles d'être accueillies. Ces implantations se feront en bonne intelligence avec Euroméditerranée. 

Le Maghreb migre au nord

Du côté des ferries, le mouvement se poursuit. Si les bateaux de la SNCM restent à quai de la Joliette à Arenc, ceux qui assurent la desserte des pays maghrébins sont appelés à glisser plus au nord du côté du cap Janet. Satisfaisant ainsi une demande réitérée du président d'Euroméditerranée, Guy Teyssier pestant contre les "voitures cathédrales qui tournent dans le quartier des affaires en cherchant leur chemin". Mais ce n'est pas sur cet argument que la décision s'est prise, argumente Régine Vinson : "Fos accueille le trafic mondial et Marseille se concentre sur le trafic méditerranéen. Aujourd'hui, de plus en plus de navires qui assurent ces liaisons ont une vocation mixte, fret et passagers. Or, comme le Tanit, ils mesurent souvent plus de 200 mètres. Nous avons donc besoin de quais adaptés".

Ce glissement demandera des travaux avec la destruction d'un môle au niveau du cap Janet pour permettre aux navires de manœuvrer. Dans son commentaire du Schéma de cohérence territorial (Scot) de la communauté urbaine, le conseil régional s'alarmait : "Un tel transfert doit être accompagné d'une politique d'aménagement et de services de façon à veiller ce que les facilités essentielles soient offertes aux voyageurs sur le site et éviter tout sentiment de stigmatisation". C'est sûr qu'embarquer pour le bled entre deux poids lourds n'est pas forcément un joli premier souvenir de vacances.

Le cœur de la vocation industrielle du port s'incarne elle à Mourepiane où le trafic de containers doit être considérablement relancé notamment en réactivant le faisceau ferroviaire obsolète et en le reliant au réseau existant. À ce propos, le rapport Cousquer note un besoin de terrains en zone arriéro-portuaire pour accueillir les activités de maintenance et de stockage des containers. La charte comme le rapport mentionnent le potentiel du massif de la Nerthe, qui est bien inscrit au Plan local d'urbanisme de la communauté urbaine en cours de révision. La région a là encore fait montre de réserves dans son avis rendu sur le Scot. Quant aux riverains, ils espèrent que ces containers soient maintenus sur l'espace portuaire. "Nous n'avons pas tant de place que cela, justifie Régine Vinson. On ne peut conserver sur les terminaux que les stocks tampons. Nous avons besoin d'espaces dédiés en dehors du port".

A partir de la forme 10 – en cours de financement – le port souhaite installer un pôle de haute plaisance en relançant un appel à projet abandonné en 2008. Il prévoit également d'agrandir les plages publiques des Corbières et d'implanter des nouveaux anneaux (150) dans le port de Saumaty, sans que rien soit dit sur l'avenir des artisans pêcheurs qui y résident actuellement.

Qui paie quoi, à qui et quand?

Deux inconnues majeures obscurcissent le tableau général : la question du temps et de l'argent. Concernant le phasage, le rapport Cousquer ne renvoie pas aux Calendes grecques mais presque. La date la plus proche, est "la préparation du transfert Maghreb entre 2014 et 2016" pour un transfert réel en 2017. Pour le reste, 2020 est l'horizon le plus fréquent. Le rapport repousse même au-delà de cette période l'implantation d'activités tertiaires dans la partie sud du port. 

Le même flou accompagne le financement des projets si ce n'est la hauteur du chiffre global : 450 millions d'euros sur dix ou quinze ans. La ventilation par poste laisse rêveur : 70 millions pour déplacer le terminal Maghreb, 190 millions pour adapter les bassins de la Joliette aux navires de plus de 200 mètres de long (sans compter 50 millions pour la gare Corse), 90 millions pour les installations de la Joliette (dont 35 millions pour démolir et reconstruire le siège et 55 millions pour préparer l'implantation de nouvelles activités), et 55 millions pour le pôle marchandises. 

Comme le dit très pieusement le rapport Cousquer, tout ceci demande encore "une validation économique et financières du modèle économique du port aménageur et des contributions demandées aux collectivités locales et à l'État". Autrement dit, l'exercice délicat qui consiste à passer du rêve à la réalité…

(1) ville, Région, Conseil général, Communauté urbaine, Chambre de commerce et Euroméditerranée.

 

 

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Commentaires

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  1. Avé Avé

    Eh beh!! Rendez-vous dans 10 ans!

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